mardi 11 août 2015

Critique Série: Death in Paradise



  France 2 prend ses quartiers d’été et diffuse en ce moment la saison 4 de Meurtres au Paradis, une série policière franco-britannique crée par R. Thorogood et produite par la BBC One. Si vous n’avez pas vu les trois premières saisons, il n’est pas trop tard pour attraper en marche le cours de l’histoire. Quand la première et la deuxième saison se basaient essentiellement sur l’affectation d’un policier britannique rigide joué par Ben Miller, à la tête d’une petite brigade sur l’île fictive de Sainte Marie, et par conséquent sur un décalage comique et le choc culturel, la troisième saison voyait débarquer un autre inspecteur britannique aux antipodes du premier. En cause : le départ de Ben Miller, qui se refusa à signer la suite des aventures de son personnage au sein de la série. Kris Marshall (Collin Frissel dans Love Actually) prenait donc la relève en incarnant Humphrey Goodman, un maladroit inspecteur,  brillant mais rêveur, avec la lourde tâche de maintenir l’audience malgré la disparition du personnage phare de la série. Défi relevé : la chaîne a annoncé une cinquième saison à venir.

C’est donc avec plaisir que l’on retrouve les personnages d’Humphrey Goodman, Camille Bordey et de Dwayne Meyers dans des investigations loufoques. On regrette d’emblée l’absence du policier Fidel Best, qui était le dernier pilier du quatuor d’enquêteurs. Une absence d’autant plus remarquée quand la série ne repose que sur un casting très restreint. Une nouvelle figure, féminine cette fois, vient le remplacer pour rééquilibrer la dynamique propre au script: l’agent Florence Cassel, qui apporte fraicheur et nouveauté en contrastant avec le bon vivant de l’agent Dwayne et la maladresse de son supérieur par une efficacité et un naturel déconcertant. Cette eurythmie ne va pas cependant pas durer, puisqu’à son tour, l’interprète du sergent Camille Bordey a décidé de se consacrer à d’autres projets. Elle sera remplacée par un nouvel acteur, Tobi Bakare, ce qui changera les relations au sein du groupe, puisque la tension entre l’inspecteur et l’agent Bordey n’aura pu se concrétiser.

Les scénaristes sont donc confrontés à plusieurs départs précipités qui fragilisent l’avancée et l’intérêt des épisodes. Ces derniers, toujours écrits à la manière d’Agatha Christie, par des schémas narratifs répétitifs un peu trop simples ne sont pas très différents les uns des autres. Dommage, quand les intrigues, elles, commençaient à devenir un peu plus complexes. A voir pour se détendre…



                                                                                                              Jessica Crochot, ancienne Lettres & Arts

vendredi 3 avril 2015

Critique Cinéma: Un Homme Idéal




À l’affiche depuis quelques temps déjà,  Un Homme Idéal. Un titre qui interpelle, ne serait-ce que dans sa composition. Pierre Niney, qui vient tout juste de quitter la Comédie Française pour servir la cause cinématographique, se prête au jeu. Il incarne donc un déménageur, écrivain à ses heures perdues en mal de reconnaissance, qui trouve dans une vieille maison dont le propriétaire vient de décéder, un carnet contenant les souvenirs entièrement rédigés du défunt pendant son service lors de la guerre d’Algérie. Troublé mais avant tout désespéré, il se jette à corps perdu dans le vol de mémoire, en plagiant mot à mot le petit carnet de cuir. Le succès est fracassant, la reconnaissance lui ouvre enfin ses bras. Jusqu’au jour où un corbeau le traque, que son éditeur le harcèle pour un deuxième roman, que son secret s’ébranle de toutes parts. L’homme idéal est déchu.

En voyant la bande annonce, le synopsis ressemble étrangement à du déjà-vu. En voyant le film, moins. Ici le sujet est traité comme un drame noir, et non de manière pimpante ou amusante comme on a déjà pu le voir. Le succès, la gloire et les paillettes ne sont qu’une infime partie du film, qui se concentre davantage sur la psychologie du personnage principal, pris comme un animal en cage entre sa jeune compagne qui lui promet amour, stabilité, et réussite sociale et ce mensonge qui lui fait commettre les pires atrocités. Le jeu d’acteur s'avère particulièrement admirable, notamment celui de Pierre Niney, qui semble s’enfoncer sans fin dans les bas-fonds de la noirceur. Côté scénario, un corbeau peu effrayant et des rebondissements courus d’avance rendent le film un peu décevant. Seule la fin se révèle particulièrement surprenante. Un thriller français original.

Jessica Crochot
L3 Lettres et Arts

Critique Cinéma: Fast & Furious 7



Les amateurs de voitures et de vitesse, de jolies filles aux vêtements quasi-inexistants, et de combats explosifs n’auront pas manqué de remarquer la sortie du septième opus de Fast & Furious 7 en salle depuis hier. L’intrigue poursuit celle de Fast & Furious 6, qui se terminait sur l’accident tragique du personnage Han traqué à travers les rues de Tokyo, puisqu’ici, ses amis se font vengeurs, et décident de retrouver son assassin, qui n’est autre que le grand frère d’un ancien criminel qu’ils avaient tué. La famille semble ainsi être le mot aux lèvres de tous. Un thème d’autant plus amer, qu’il s’agit de la dernière apparition de l’acteur Paul Walker, mort dans un accident de voiture l’année dernière, et que Vin Diesel considérait comme son frère.

Dans la lignée de la trilogie « The Expandables », on retrouve dans ce film une bande organisée armée jusqu’aux dents flanqués de voitures rutilantes et des scènes improbables. Le scénario s’avère particulièrement cousu de clichés en tout genre, qui fait languir l’action … et le spectateur. Pour ceux qui étaient venus trouver de l’action, le film Kingsmen est projeté dans les salles voisines ; ici, aucune scène extraordinaire à une exception près. Le reste se résume à des lenteurs. Les rebondissements quant à eux, sont tout aussi décevants. Quelques touches d’humour sont apportées à travers le personnage de Roman, un peu de glamour par l’escale à Dubaï et une pointe de sentimentalisme se fait sentir à la fin, par l’hommage rendu à Paul Walker. Bref, un blockbuster américain peu recommandable.

Jessica Crochot
L3 Lettres et Arts

vendredi 6 février 2015

Critique Into The Woods


  

 
  Il était une fois, au détour d’un quartier grisé par l’agitation des passants, un bâtiment de petite taille abritant derrière chacune de ses portes, mille et une histoires projetées sur écrans blancs. Dans l’une de ces salles obscures mercredi dernier, se trouvaient un loup affamé, une sorcière, un chaperon rouge, une certaine Cendrillon, un jeune garçon répondant au nom de Jack, et une demoiselle à la chevelure considérable enfermée dans une tour. Leur point commun ? Être à l’origine des contes que la compagnie Disney s’est appropriée pour en faire les dessins animés chéris qui ont bercés notre enfance. Leurs interprètes ne nous sont pas moins méconnus : on compte entre autre Meryl Streep, Johnny Depp, Emily Blunt, Chris Pine et Christine Baranski. Aujourd’hui, grâce à ce film issu d’une comédie musical du même nom, ces personnages se rencontrent dans un seul et même conte.

  Originale puisque souvent minoritaire au cinéma, la comédie musicale est souvent déconcertante de prime abord. Il ne faudra pas questionner leurs chants incessants et l’apparente fantaisie des actions -qui tendent vers un rendu irréaliste au possible, pour pouvoir s’immerger complètement dans un monde diamétralement autre. Somme toute, revenir à un état plutôt bon enfant, encore plus nécessaire de par le fait qu’il est ici question de contes. Néanmoins, il est à noter que le film n’est pas uniquement construit pour un jeune public. En effet, le scénario du film est truffé de références et d’humour implicite que seul un spectateur averti pourra reconnaître. En fait, ce film se sait comédie musicale, et joue des codes propres à ce genre pour atteindre le public adulte, ce que j’ai trouvé personnellement très subtile.

Cela s’illustre par exemple dans la séquence chantée en duo par le prince de Raiponce et celui de Cendrillon au sommet d’une cascade; la scène va crescendo vers l’absurde et l’autodérision de la figure du prince. D’une part, l’humour se crée par le paysage qui devient à part entière un élément comique, lorsque les princes se jettent pieds joints tour à tour dans l’eau, dans l’optique d’être faussement émouvant, alors que le rendu est tout autre à cause des éclaboussures assez enfantines. D’autre part, le comique émane évidemment des personnages eux-mêmes, par leurs expressions très théâtrales, tantôt contrites de désespoir, tantôt amourachées mais jamais surjouées, d’où la subtilité du comique. Ils accompagnent la parole de gestes exagérés, comme le fait d’ouvrir sa chemise en l’arrachant, souvent exécutés en miroir ce qui donne un aspect clownesque. Il était question de références dans l’ensemble du film ; dans cette scène, on pourra d’ailleurs noter deux références, l’une à Travolta (par les habits d’un des deux princes, et d’une gestuelle assez reconnaissable), l’autre à la danse contemporaine/d’autres comédies musicales, qui utilisent l’eau comme effet pathétique ou saisissant, pour en jouer et le détourner.

  Dès lors qu’on s’habitue à l’univers du conte, irréaliste et fantastique, et aux nombreuses chansons qui jalonnent les dialogues des personnages, on accepte plus facilement l’aspect un peu simpliste des effets spéciaux. En effet, Johnny Depp par exemple semble plus grimé en loup avec ses grandes ( fausses) vibrisses et son chapeau hauteforme doté de deux oreilles qu’incarnant un loup. Il n’y a pas vraiment cette volonté d’illusion à tout prix. Seule Meryl Streep porte un maquillage qui semble être issu de plusieurs heures de travail. D’un point de vue purement cinématographique, genre à part, le film s’avère être un peu long, avec une coupure au milieu créant deux récits distincts et pas nécessaires l’un à l’autre. La voix off, se voulant être la voix du conteur, à mi-chemin entre l’ironie pas totalement assumée et la bienveillance propre aux conteurs rend ses interventions troublantes et peu constructives. Enfin, l’enchainement et l’encastrement des récits les uns dans les autres est  assez grotesque. Mettons qu’encore une fois, seul le genre permet d’excuser ces légères incohérences…


Ils vécurent heureux et eurent beaucoup  d’enfants de critiques.

Jessica Crochot, L3 Lettres et Arts

jeudi 5 février 2015

Critique: Exposition "Haïti"


Si Paris sombre dans la froideur d’un hiver tenace, le Grand Palais, lui, préserve un ilot de chaleur entre ses quatre murs grâce à son exposition « Haïti ». Par la présentation de soixante artistes et de près de cent-soixante-dix œuvres, les commissaires d’exposition dévoilent un pan représentatif des différentes pratiques artistiques qui ont traversé le pays du XIXème siècle à nos jours.

La visite commence dès notre entrée dans le musée, où l’on doit passer sous un édicule surmonté de différentes décorations haïtiennes multicolores ; ce qui crée d’abord un décalage instantané avec l’architecture du Grand Palais mais aussi une invitation au voyage. L’escalier principal nous mène ensuite dans une salle immense, toute en hauteur, où toutes les œuvres d’art sont disposées. On note d’emblée l’originalité de la scénographie, puisque l’entrée donne directement sur une première œuvre à l’apparence brute et imposante : il s’agit en fait de Jalouzi, une installation qui représente un bidonville en escalier.  Celle-ci obstrue la vision du reste de la pièce. Pourtant, si l’entrée en matière semble violente, nos yeux papillonnent déjà et irrésistiblement sur les murs adjacents parés d’œuvres aux couleurs chatoyantes. Une fois Jalouzi contournée, par la droite ou par la gauche le choix étant laissé libre aux spectateurs, quatre espaces thématiques se présentent à nous. Ils se déclinent sous plusieurs formes d’art : peintures, installations, vidéos, performances, sculptures. Certaines ont été conçues spécialement pour l’exposition, d’autres commémorent des événements précis, comme le séisme qu’a connu Haïti en 2010. Les cartels indiquent tantôt des artistes que le public connait peu, d’autres encore, nous semblent familiers, comme ceux qui portent le nom de Basquiat. L’exposition réunit somme toute, des œuvres diverses et variées, venant de tous horizons et d’une richesse infinie. Plusieurs d’entre elles ont été mon « choc culturel » en ce début d’année : je pense notamment à la performance de Sasha Huber, qui, depuis sa Finlande, crée des anges dans la neige, inlassablement et par dizaines sur la mer Baltique –la mer la liant directement au pays touché- avec Haïti lors du séisme et montrer son soutien, mais aussi à l’œuvre de Jean-Ulrick Désert, qui représente la constellation comme elle était le jour du séisme sur une tapisserie rouge à l’aide de médailles qui semblent de façon fascinante être en apesanteur, comme figées dans le temps. Il y aussi les sculptures de Céleur Jean-Hérard, une famille d’oiseaux de plus de deux mètres qui, contrairement à ses filles dont l’obtention des visas a été rejetés, peuvent voler au-delà de toutes frontières. Enfin, Sébastien Jean et ses peintures oniriques, fantasmagoriques et colorées sont des abysses de curiosité et de « plaisir rétinien ». D’autres encore, par leurs histoires ou leurs aspects sont sources d’attraction pour le corps et l’esprit. En effet, l’exposition permet vraiment de découvrir un art aux antipodes de l’art occidental. Un bémol : il manque toutefois des rappels quant à la culture haïtienne ce qui nous laisse parfois perplexe voire pour d’autres regardeurs dégoûtés : l'un d'entre eux s'est exclamé devant une peinture « C’est clairement duchampien cette exposition, mettre ça dans un cadre et dire que c’est de l’art… ». Une vision étriquée un peu navrante. Je pense que l’exposition est difficile d’accès, surtout sans audio-guide (je ne saurais que trop vous conseiller d’en prendre un), mais qu’il est nécessaire d’aller à la rencontre de ses œuvres et non pas de venir à elles avec en tête tout un attirail de comparaisons vaines avec l’histoire de l’art occidentale. Pour ma part, j’ai été conquise. Dépêchez-vous, l’exposition finit le 15 février !

Jessica Crochot, L3 Lettres et Arts

mercredi 4 février 2015

Critique Cinéma: The Imitation Game


     De la troisième à la terminale, les programmes d’histoire sont jalonnés de cours sur les guerres mondiales. 1914. Sarajevo. Tranchées. La Marne, Verdun et encore la Marne.[…] Traité de Versailles. Et puis 1939 arrive, avec une liste de dates sanglantes qui n’a cessé de s’allonger jusqu’en 1945. La nuit de cristal, Charte des Nations Unies, Stalingrad… Cela vous rappelle vos fiches de brevet ?  Pourtant, un nom manquait sans doute d’y figurer ; celui d’Alan Turing. Alan Turing, ou l’homme qui a réussi à décrypter les rouages de la machine «Enigma », machine allemande réputée inviolable qui permettait, si l’on connaissait les bons paramètres, de découvrir la teneur des messages cryptés des allemands. Ces travaux en cryptologie, selon plusieurs historiens, auraient permis de gagner quelques années de guerre contre le régime nazi. Imitation Game permet de retracer cet épisode qui manque à être connu et un pan de la vie de ce génie mathématicien.
   Le film nous embarque donc dans une course contre le temps effrénée. Dès les premières minutes du film, nous revoilà déjà en guerre contre l’Allemagne. On entend les discours véridiques de l’époque, des images d’archives défilent. L’ambiance devient instantanément plus pesante. Et face à cette menace qu’est Hitler et son régime, dont on connait les conséquences tragiques, une poignée de mathématiciens est choisie pour battre Enigma. Non content d’être une machine complexe, ses paramètres sont remis à zéro tous les soirs, à minuit, ce qui laisse à nos chercheurs une vingtaine d’heures pour essayer toutes les combinaisons imaginables et de trouver la bonne, avant que minuit ne sonne l’anéantissement du travail d’une journée, et qu’il faille recommencer, inlassablement. Au milieu de tout ça est dressé le portrait du mathématicien Alan Turing, incarné par Benedict Cumberbatch. Marginal, asocial, « différent » par bien des aspects, qui se met en tête de construire envers et contre tout, une machine du même rang qu’Enigma. 
   Cette histoire est absolument captivante, de par la disproportion entre l’ampleur des travaux de ces hommes –car il ne faut pas oublier l’ensemble des hommes et des femmes qui ont contribués à ce projet même à petite échelle, et le peu de reconnaissance ni même de connaissance accordées à ce sujet. Sur un plan filmique, il en va de même ; j’ai été entrainé de façon haletante dans une quête impétueuse et ô combien humaine, caractérisée par sa fragilité, ses échecs, et une incroyable envie de vivre. De là, il faut saluer le jeu des acteurs, qui sont touchants au possible et vrais. Mention spéciale pour Benedict Cumberbatch, qui assume le rôle principal du film, et qui donne un vrai relief à la figure du génie. Tantôt exécrable, tantôt passionné, souvent perdu, mais lui aussi, humain avant tout. Parce que j’ai trouvé qu’on nous présentait avant tout des alter egos, avant de les affubler de qualificatifs héroïques, ce film amène à l’empathie et à l’aventure humaine. Rendez-vous aux Oscars 2015 pour savoir s’il raflera les récompenses espérées (nominé dans huit catégories dont meilleur film)!

Jessica Crochot, L3 Lettres&Arts                                                                                           

mardi 3 février 2015

Cinéma - Critique: La famille Bélier d'Eric Lartigau


Quel est le point commun entre le langage des signes, l’agriculture et Michel Sardou ? Non, le chanteur n’est pas devenu un agriculteur sourd cherchant l’amour dans un pré. Tout ceci est l’œuvre du nouveau film d’Éric Lartigau, la Famille Bélier. Cette comédie dramatique est plantée dans un décor rural où entre vaches et tracteurs vit cette famille d’agriculteurs.

Dans la famille du même nom que l’animal, je demande la fille : Paula. Interprétée par Louane Emera, la jeune demoiselle a été repérée tout d’abord comme chanteuse dans un célèbre télé-crochet recherchant la plus belle voix de France. Novice en la matière, elle se révèle pleine de fraîcheur et de talent dans le rôle d’actrice. Son personnage est l’atout principal de ce film, remportant ainsi tous les suffrages. Seule personne de la fratrie à ne pas être atteinte de surdité, elle devient ainsi l’interprète de toute la famille. Que ce soit pour les commandes par téléphone, les rendez-vous chez le médecin ou la vente des fromages sur le marché, elle assure le lien entre sa famille et le monde extérieur. Toujours épaulée par son espiègle amie Mathilde, la jeune Paula est toutefois une fille paumée, en décalage avec son temps. Alors que les jeunes de son lycée aiment sortir et faire la fête, elle travaille à la ferme familiale après les cours. De nature timide et réservée, le chant se révèle être son remède pour oublier les problèmes du quotidien. Pourtant, c’est par béguin pour Gabriel, un jeune parisien fraîchement débarqué dans son lycée qu’elle va rejoindre la chorale, dirigée par Monsieur Thomasson (Éric Elmosino ou Gainsbourg dans une autre vie…). Ce prof de musique et artiste déchu, dopé à la variété française va déceler en cette jeune fermière un don particulier et singulier. C’est pourquoi il lui proposera de préparer le concours de la Maîtrise de Radio France à Paris. Cependant, elle doit se confronter à un important dilemme. Doit-elle suivre sa « voie », celle qui la conduit à être auxiliaire de ferme et traductrice pour son entourage ? Doit-elle plutôt sa propre « voix » qui pourrait la conduire au concours de chant à la capitale ?  Cette histoire évoque aussi la vie quotidienne à la ferme, en passant par les ambitions surprenantes de son père, les inquiétudes de sa mère et de son petit frère qui découvre la vie d’adolescent malgré son handicap.

Ce film n’est pas un mélodrame larmoyant voulant nous faire pleurer à chaque scène (comme on peut le penser) mais plutôt une comédie euphorisante suscitant le rire. D’ailleurs, le décalage sonore s’intensifie entre ces deux mondes. En effet, ce « silence sourd » est aussi une bulle de sécurité pour la famille d’agriculteurs. Cette sensation se fait ressentir quand le réalisateur plonge le spectateur dans le monde quotidien des sourds lorsqu’on écoute la voix de Paula lors du spectacle du lycée. On comprend mieux l’émotion que provoque cette voix angélique sur les parents et le spectateur.

La caractéristique principale de cette comédie familiale s’articule autour du handicap, et notamment grâce à la langue des signes. A l’instar de Luca Gelberg (jouant le rôle de Quentin le frère de Paula) qui est né sourd, les autres comédiens ont suivi une formation pour apprendre le langage des signes. Certains spectateurs saluent la performance de François Damiens et Karin Viard, démontrant ainsi la sensibilité dans chacun des signes et expressions du visage. D’autres crient au scandale face à la faible qualité des signes et à la caricature. À chacun de se faire sa propre opinion. Seul bémol : l’absence de sous-titres dans ces « dialogues de sourds », laissant le spectateur dubitatif (NB : sûrement un oubli de la part du projectionniste du cinéma où j’ai vu le film). Cet inconvénient reste toutefois un avantage pour les spectateurs sourds et malentendants.

Du point de vue de la musique, si le film s’ouvre sur un thème aux influences pop (That’s Not My Name, du groupe anglais The Ting Tings), l’atout majeur du film repose sur la chanson française. C’est pourquoi Éric Lartigau décide de mettre à l’honneur un monument de la variété : Michel Sardou. Le prof de musique déclare même que « Michel Sardou est à la variété française ce que Mozart est à la musique classique : Intemporel ! » Ce film sert de come-back pour l’artiste populaire : d’ailleurs toutes ses chansons connaissent une seconde jeunesse. Entre une maladie d’amour, un slow sur les airs de Je vais t’aimer, puis une Java à Broadway, le tout En chantant, c’est surtout la prestation magistrale Je Vole, interprétée par Louane qui captera l’attention de millions de spectateurs. Une double interprétation sublime remplie d’émotion, pleine de vie et d’espoir.

En résumé : Louane Emera future espoir du cinéma français, Michel Sardou ou le comeback de l’année, une histoire posant un autre regard sur la communauté des sourds et malentendants, une famille aimante d’agriculteurs pas comme les autres… tous les ingrédients sont réunis pour vous faire apprécier cette comédie. Une aventure humaine qui se dirige sûrement vers une consécration en devenant un des succès de ce début d’année 2015.

Thomas Louisy, L2 
 Lettres et Sciences humaines