samedi 26 octobre 2013

Cinéma - Critique : "Alabama Monroe", Felix Van Groeninger

Il est parfois difficile de s’extraire d’une œuvre. Tellement difficile que les jours qui suivent, semblent gris et indifférents. Vous avez véritablement du mal à redevenir, à renaître. Le brouhaha du métro vous écorche les oreilles, le moindre contact des passants ressemble à un coup, vous êtes à fleur de peau et tout vous fait mal. Le réel est alors un Autre, intenable, une enveloppe qui vous est indifférente.

Alabama Monroe fait partie de ces films.

Il nous parait périlleux de ne parler que de l’histoire mais après tout c’est notre rôle.
Imaginez un amour nouveau, incontrôlable, et brûlant. Imaginez deux êtres parfaitement différents, l’un passionné de Bluegrass, musique toute droite sortie d’une Amérique fraîche et porteuse de rêves, l’autre, artiste marquant son corps au gré de ses envies, aux prises d’une liberté sensible. Ils s’aiment. Ils vivent, à travers leur musique et leur voix, une passion créatrice prête à tout dévaster. Et de cet amour naît Maybelle. Le début de l’été.

Dans leur grande demeure en périphérie de la ville, ils s’imaginent tous les trois une vie douce et lisse, pleine de couleurs chaudes. 




Et Maybelle tombe malade.



Le montage en alternance permet au spectateur de sortir du film Hollywoodien classique ; Eros et Thanatos sont ainsi indéniablement liés. L’amour et la mort viennent du même puit. Ils sont issus de la même force vitale inépuisable. Nous sommes alors en permanence confrontés à une joie intense et à une douleur innommable.
Tout déraille et s’essouffle. Comment vivre l’invivable ? Comment surmonter l’insurmontable ?


Le jeu impressionnant de Veerle Baetens et de Johan Heldenbergh permet ce réalisme à toute épreuve et cette identification. Nous sommes eux, nous vivons ce qu’ils vivent. Leur naturel fait du bien, car il est particulier de voir de nos jours, sur grand écran, deux personnages qui ne sont pas des modèles à suivre, sinon véritablement des personnes. Des identités à part entière.

Felix Van Groeninger signe ici, après La merditude des choses, un chef d’œuvre, n’ayons pas peur des mots, un film d’une rare sensibilité, qui vous hantera longtemps.
Et cela fait du bien.

Emma Menetrey
L3 Lettres & Arts

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire