mardi 15 octobre 2013

Théâtre - Critique : Dyptique Fassbinder


Dyptique Fassbinder
Anarchie en Bavière/Liberté à Brème


L'automne théâtral est marqué cette année par plusieurs mises en scène des pièces du dramaturge contemporain Rainer Werner Fassbinder. Dans ce contexte, il est possible d'être enjoué à la vue des mises en scène de Gwenaël Morin au Théâtre de la Bastille dont le diptyque Anarchie en Bavière – Liberté à Brême est sans doute un bon témoin de l'Intégrale « Antithéâtre » ainsi nommé par le metteur en scène et contenant (en plus de ce diptyque) Village en Flammes et Gouttes dans l’Océan.

Ce qui détonne et étonne d'emblée, c'est le jeu et l'écart entre le texte et ce que les acteurs en font sur le plateau. Cet écart donne libre cours à un second degré désopilant qui n'empêche absolument pas l'authenticité, au contraire.

La scène est vide, les acteurs manquent de costumes, d'accessoires, de décors et de coulisses et pourtant le théâtre se fait. Nous voyons le théâtre en train de se faire. Les acteurs sortent de leur non-jeu comme d'une coulisse, laissant ainsi au public la satisfaction de voir leur propre mise en jeu. Une femme trimbale son "Fassbinder" avec elle sur la scène et énonce les didascalies en présence de l'action en cours comme le ferait un metteur en scène en plein exercice de troupe. Le jeu d'acteur apparaît donc comme une réponse et une solution au problème posé par le texte. Il est chargé d'authenticité, c'est une spontanéité s'enracinant dans le présent de la salle et inventant avec elle.

Crédits photo : ©Marc Domage
 Il ressort de ce système de jeu (qu'il est impossible de ne pas rapprocher de la dramaturgie brechtienne) comme un sentiment de partager avec le public et les acteurs un sentiment de liberté d'action et de réaction. Comme si ce qui se passait entre les acteurs mettait aussi en jeu le spectateur. Il se sent libre de juger, d'imaginer, de rire, de pleurer et cela fait du bien.

Si la première pièce jouée (Anarchie en Bavière) bénéficiait d'un effet de surprise, la seconde, Liberté à Brème, jouée selon le même procédé, laisse à désirer. En effet, au vu de ce qui a déjà été fait, on regrette de ne pas être surpris à nouveau par une prise de partie radicale. La tension n'est pas renouvelée et l'attention se dégonfle comme un soufflet, à bout de souffle.

En fin de compte, c'est comme s'il s'agissait plus de l'authenticité et de la spontanéité du jeu d'acteur que de la fable écrite par l'auteur. Les pièces de Fassbinder tiennent des propos dont on ressent la teneur politique mais la mise en scène de Gwenaël Morin ne les soutient pas suffisamment pour provoquer chez le public une petite révolution brechtienne. On ressort de la salle tout enjoué de théâtralité tout en se demandant si la pièce a bien joué son rôle dans nos têtes.


Théodore Bompy
L3 Lettres & Arts

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