lundi 4 novembre 2013

Théâtre - Critique : La barque au soir

La Barque au Soir

En ce moment au Centquatre est mis en scène la pièce de Tarjei Vesaas , La Barque au soir par Claude Régy. Le spectacle commence avant le spectacle. D’ores et déjà, le metteur en scène place le spectateur dans un certain état d’esprit. Avant même notre entrée dans la salle, un jeune homme vient nous annoncer que pour Régy l’entrée dans la salle fait partie intégrante du spectacle et qu’il est donc demandé que l’on fasse notre entrée dans le silence. Ainsi, le spectateur entre dans une phase de recueillement, personne ne parle (à part les quelques rebelles qui parsèment le public). Regy met en place une idée de théâtre presque sacralisé, c’est dans le silence et la pénombre que commence le spectacle.


De très beaux jeux de lumière, éclairent plus ou moins le corps du comédien, et la scène. Le décor est très minimaliste une estrade très peu haute en moquette blanche se teinte au fil des éclairages en bleu ou en rouge ; et un simple voile noir qui d’apparence ressemble à une structure en dur, se dévoile peu à peu, laissant apparaître un autre espace où se dessinent avec une grande beauté dans une lumière rouge deux autres corps d’hommes qui marchent très doucement l’un vers l’autre. On retrouve bien l’esthétique de Régy, des mots dits très lentement, insistant sur certaines syllabes. Le spectateur a le temps de percevoir chacun des mots. On peut imaginer cela comme assez déroutant voire déplaisant et pourtant, le spectateur est vite pris dans l’esthétique du metteur en scène. La performance de l’acteur est impressionnante. Il est du début jusqu'à la fin dans son rôle, le texte apparait comme éprouvant, les silences, les mimiques de son visage donnent l’impression que les mots ont du mal à sortir. Le comédien ne se déplace pas sur la scène ses pieds semblent comme littéralement cloués au sol, mais tout son corps est en mouvement. Les gestes sont aussi lents que les mots. La sueur qui perle sur son visage ne laisse pas de doute quand à l’éprouvante performance de l’acteur qui semble presque rentré dans une sorte de transe. Régy, décrit son théâtre comme un théâtre de la non représentation, il ne représente pas mais il présente, une présentation au sens de performance de l’acteur. Régy fait une entreprise phénoménologique, le spectateur n’est en aucun cas passif, il travaille, ce n’est qu’à cette seule condition qu’il pourra vraiment entendre le texte et laisser travailler son imagination. L’objet ne se donne jamais tel quel et il faut faire l’effort de le saisir pour voir ce qui en lui fait l’objet. Grâce au jeu d’acteur de Nichan Moumdjian, le spectateur est totalement pris par le spectacle, il entre dans un état hypnotique qu’il doit travailler à accepter. Certains en ressortent bouleversés. A la fin une petite dizaine reste assis sur leur chaise, les yeux dans le vague comme s’ils avaient une difficulté à en ressortir, perpétuant le silence voulu par le metteur en scène. Dans L’ordre des mots Régy définit son esthétique ainsi « ce n’est pas un rêve mais c’est la substance du rêve, l’ordre n’est plus établi et ce que nous prenions pour la réalité est perdu ».


Perrine Mériel
L3 Lettres et Arts

1 commentaire:

  1. Perrine t'ecris vraiment comme une déesse si seulement je pouvais ecrire aqussi bien que toi j'ai hate de voir la pièce grace a toi et ta plume de pure ecrivain.

    Nora

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