vendredi 8 novembre 2013

Théâtre - Critique : L'Avare, mise en scène de Ivo Van Hove


Si je vous dis : L’Avare de Molière, que me répondez-vous ?

Culte, sans aucun doute. Comique, certainement. Cassette et gages à la rigueur. Louis de Funès ou Daniel Podalydès, si vous êtes connaisseurs. Peut-être pousseriez-vous l’audace jusqu’à me dire « vu et revu », et je vous dirais que vous avez raison.

C’est donc à un lourd héritage que Ivo Van Hove s’est attaqué en décidant de monter cette pièce, avec le réel pari de pousser sa tournée hors des frontières hollandaises, devant un public français exigeant en néerlandais surtitré français. Pourtant, dès l’entrée des spectateurs, on voit qu’il n’a pas été seulement et simplement question de monter un classique, mais bien de revisiter et de dépoussiérer le tout.

Dès le début, le spectateur, alors même qu’il s’installe dans le siège assigné, a le loisir de faire face à une scène baignée de lumière. Rien de particulièrement extraordinaire jusque-là, me diriez-vous. Ce qui détonne néanmoins, ce sont l’écran plat, à gauche, la chaîne hi-fi en fond de scène, les ordinateurs, au nombre de trois, qui trônent sur des tables basses, ou encore le frigo double portes en retrait, côté jardin. Sans omettre les détritus qui jalonnent l’espace scénique de part et d’autre. Comment ne pas remarquer entre autres ces vêtements – sous-vêtements ?- qui traînent deçà et là, ces bouteilles de coca sur le devant de la scène, ces manettes de consoles de jeux qui jonchent le sol ? Captivant et hypnotisant, cet espace scénique est construit à l’image de l’ensemble de la mise en scène. Adieu « maraud », « cassette » et « baisemain ». Maraud faisant place à la – très délicate - réplique « Connard », la cassette, à une clé USB, et le baisemain, à une vue crue qui pourrait être interdite aux plus jeunes. Adieu aussi, Harpagon ridicule. Bonjour au Harpagon versatile, violent et imprévisible, presque monstre. La pièce est donc malmenée de toutes parts par une modernité criante de réalisme. Le spectateur quant à lui, se laisse porter au gré de la musique moderne, des éclats de voix, d’une violence loin d’être feinte, d’une cruauté proche du pathétique dans une ascension vers le tragique. Plaisir, appréhension, empathie, stupéfaction, peur viennent à votre encontre, malgré vous.

Rendez-vous avec ce drame, une véritable beauté dans le malheur : du 7 novembre au 16 novembre à la Maison des Arts de Créteil- arrêt préfecture de Créteil, tarif 10 euros.


Personnes fortement attachées à Molière ou à l’école classique, s’abstenir. 

Jessica Crochot
L2 Lettres & Arts

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