mardi 12 novembre 2013

Théâtre - Analyse : "Jerk", par Gisèle Vienne


Jerk : peut être traduit par secousse, abruti, salaud, tressaillement, crispation nerveuse.

Créé en 2008 au Théâtre de la Bastille, la pièce revient dans la salle de ses débuts. Jerk ne dure que 55 minutes. Mais ce sont 55 minutes de dégoût, de gêne, d'effroi et d'humour glauque.

Jerk est basé sur des faits réels : au début des années 70, Dean Corll, un homme d'une trentaine d'années, tue une vingtaine de jeunes hommes chez lui. Il est aidé de deux adolescents, Wayne et David.
Sur la scène, c'est David qui nous fait face, seul. On sait qu'il purge une peine à perpétuité, les deux autres étant morts. Il présente son « spectacle » de marionnettes à un amphithéâtre d'étudiants en psychologie : nous. Il va nous relater les horreurs qui se sont déroulées chez Dean Corll, son amour non réciproque pour Wayne et la boucherie de la mort mêlée au sexe le plus cru.

Ce sont des marionnettes de tissus, grossières, désarticulées et pourtant bien maîtrisées par l'incroyable comédien qu'est Jonathan Capdevielle. Tantôt narrateur, tantôt tous les personnages à la fois avec une voix différente pour chacun, il fait aussi tous les bruitages (et quels bruitages!) des scènes de meurtres, des scènes de sexe nécrophile à celles homosexuelles. Parfois, le regard du spectateur se baisse, a du mal à soutenir cette intimité de la torture avec le sexe. Ces derniers sont baignés dans le sang ou dans le sperme que David parvient à nous faire entendre et même voir : il y a les déjections de sa bave sur le plateau, mêlées aux larmes et hoquets sincères du personnage qui n'en peut plus.

Mais Jerk n'est pas seulement du gore.
Il y a l'absurdité de ces morts affreuses, parce qu'elles peuvent l'être tant les dialogues inconscients de ces jeunes paumés nous le montrent. Lorsque la voix off de la prof de psychologie nous apprend qu'un élève a écrit sur la prestation de David, on entend alors la voix pédante, qui se fait de plus en plus lointaine, d'un étudiant, qui, avec un véritable recul, prend David comme objet d'étude. Il y a immédiatement une mise à distance entre l'horreur des meurtres qui nous semble un cauchemar, et cette réalité clinique, froide, de l'étude d'un cas.

Comment juger un meurtrier, à quoi peut-il penser ? N'est-il la que pour satisfaire notre curiosité morbide ou pour nous faire nous questionner sur le tortueux labyrinthe qu'est notre cerveau ?

Jerk est une étrange expérience théâtrale, difficile à définir tant je l'ai trouvée complexe. Mes pensées et mes impressions se sont mélangées et confondues, et tout est confus. Mais c'est fort, très fort : chapeau bas à Jonathan Capdevielle, pour avoir survécu à cette pièce.

A vous d'aller vous faire votre propre avis : vous avez jusqu'au 23 novembre.




Solenne Daviau
L3 Lettres et Arts

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire