vendredi 7 février 2014

Cinéma - Critique "Jimmy P"



« Jimmy P. » : une rencontre fraternelle autour de la psychanalyse

L'histoire de l'amitié entre deux hommes en marge introduit avec lucidité à la psychanalyse




Jimmy P. (Psychothérapie d'un indien des plaines) est un film à hauteur d'homme aussi bien dans son propos que dans son style. Il s'inspire du livre de Georges Devereux, pionnier de l'ethnopsychiatrie, Psychothérapie d'un indien des plaines : réalités et rêve qui semble avoir traversé l'oeuvre de d'Arnaud Desplechin. Il reprend certains morceaux du livre tels quels notamment pour les entretiens entre le psy et son patient. On attendait un film juste sur la psychanalyse, le voilà. Après la Seconde guerre mondiale, Benicio del Toro en remarquable indien à l'âme blessée souffre de mystérieux maux de tête, et malgré son apparente guérison, il ne parvient pas à se rétablir complètement. Il va faire la rencontre de l'anthropologue et psychanalyste excentrique Devereux interprété avec finesse par l'acteur fétiche de Desplechin, Mathieu Amalric. Les deux acteurs forment avec brio un duo antithétique à souhait sans pour autant grossir les traits des personnages. Benicio del Toro surprend et donne vie à un personnage sensible, grave et touchant. Certains pourraient se plaindre de son ton de voix et le qualifier de monocorde, ou au contraire y trouver les enjeux de la langue qui se dresse en barrière autant sociale que mentale. Devereux (Amalric) soulève en effet, cette question de la compréhension mutuelle au-delà de la difficulté de s'exprimer dans une langue différente de sa langue maternelle.


Le film met en valeur la position marginale des deux hommes dans la société américaine, un des points de départ de leur relation. La marginalité passe par la condition sociale. Jimmy Picard appartient à la tribu des Indiens pieds noirs, les plus déconsidérés en Amérique à cette époque et Devereux cache son identité et ses réelles origines, refusant de remuer un passé trop douloureux alors qu'il est déjà en marge de la profession. Aussi, on se pose la question de savoir de comment ces deux hommes se remettent-ils de la guerre ? Il est rare de voir à l'écran l'histoire et les séquelles d'un américain natif ayant fait la guerre. Ici Desplechin montre avec justesse la guérison par la psychanalyse de Jimmy Picard avec l'aide de Devereux. Au premier abord, le sujet traité est relativement calme, il ne regorge pas de péripéties rocambolesques : les entretiens sont filmés en huis-clos, les discussions sont denses et pourtant le spectateur est tenu en haleine du début à la fin du film. Même si certains s'offusquent devant la simplicité d'analyse des rêves (qui se rapporte à l'autorité des femmes dans la vie de Jimmy P) l'analyse est claire et va droit au but, sans artifice et témoigne ainsi de la clarté de la relation entre les deux hommes. Mais aussi on appréciera l'autodérision dont fait preuve Devereux dans la scène touchante où sa maîtresse Madeleine lui offre le kit Freudien.

En somme, c'est une entrée plutôt réussie dans le monde de la psychanalyse faisant preuve d'une certaine sensibilité et justesse qui pourra plaire à un large public initié ou non à la psychanalyse.



Mélanie Kuszelewicz 
L3 Lettres et arts

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire