« Jimmy P. » : une rencontre fraternelle autour de la psychanalyse
L'histoire de l'amitié entre deux hommes en marge introduit avec lucidité à la psychanalyse
Jimmy
P. (Psychothérapie
d'un indien des plaines)
est un film à hauteur d'homme aussi bien dans son propos que dans
son style. Il s'inspire du livre de Georges Devereux, pionnier de
l'ethnopsychiatrie, Psychothérapie
d'un indien des plaines : réalités et rêve
qui semble avoir traversé l'oeuvre de d'Arnaud Desplechin. Il
reprend certains morceaux du livre tels quels notamment pour les
entretiens entre le psy et son patient. On attendait un film juste
sur la psychanalyse, le voilà. Après la Seconde guerre mondiale,
Benicio del Toro en remarquable indien à l'âme blessée souffre de
mystérieux maux de tête, et malgré son apparente guérison, il ne
parvient pas à se rétablir complètement. Il va faire la rencontre
de l'anthropologue et psychanalyste excentrique Devereux interprété
avec finesse par l'acteur fétiche de Desplechin, Mathieu Amalric.
Les deux acteurs forment avec brio un duo antithétique à souhait
sans pour autant grossir les traits des personnages. Benicio del Toro
surprend et donne vie à un personnage sensible, grave et touchant.
Certains pourraient se plaindre de son ton de voix et le qualifier de
monocorde, ou au contraire y trouver les enjeux de la langue qui se
dresse en barrière autant sociale que mentale. Devereux (Amalric)
soulève en effet, cette question de la compréhension mutuelle
au-delà de la difficulté de s'exprimer dans une langue différente
de sa langue maternelle.
Le film met en valeur la position marginale des deux hommes dans la société américaine, un des points de départ de leur relation. La marginalité passe par la condition sociale. Jimmy Picard appartient à la tribu des Indiens pieds noirs, les plus déconsidérés en Amérique à cette époque et Devereux cache son identité et ses réelles origines, refusant de remuer un passé trop douloureux alors qu'il est déjà en marge de la profession. Aussi, on se pose la question de savoir de comment ces deux hommes se remettent-ils de la guerre ? Il est rare de voir à l'écran l'histoire et les séquelles d'un américain natif ayant fait la guerre. Ici Desplechin montre avec justesse la guérison par la psychanalyse de Jimmy Picard avec l'aide de Devereux. Au premier abord, le sujet traité est relativement calme, il ne regorge pas de péripéties rocambolesques : les entretiens sont filmés en huis-clos, les discussions sont denses et pourtant le spectateur est tenu en haleine du début à la fin du film. Même si certains s'offusquent devant la simplicité d'analyse des rêves (qui se rapporte à l'autorité des femmes dans la vie de Jimmy P) l'analyse est claire et va droit au but, sans artifice et témoigne ainsi de la clarté de la relation entre les deux hommes. Mais aussi on appréciera l'autodérision dont fait preuve Devereux dans la scène touchante où sa maîtresse Madeleine lui offre le kit Freudien.
En somme, c'est une entrée plutôt
réussie dans le monde de la psychanalyse faisant preuve d'une
certaine sensibilité et justesse qui pourra plaire à un large
public initié ou non à la psychanalyse.
Mélanie Kuszelewicz
L3 Lettres et arts
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire